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Les « Secret Archives », ce sont des pièces rassemblées par Luc Fierens, Thierry
Tillier, Benoît Piret et Ben qui retracent leur parcours et leur activité depuis les années septante et quatre- vingt jusqu’à ce jour. On y trouvera donc des revues auxquelles ils ont participé ou qu’ils ont orchestrées, leurs collages ou des pièces qu’ils ont échangées à travers leurs réseaux (de mail art entre autres), et des objets significatifs à leurs yeux de ce parcours… Les « Secret Archives » ne se confinent dans aucune catégorisation (comme l’expriment les « Postfluxpostbooklet » de Luc Fierens ou les formules non dépourvues d’humour de Ben), car elles sont le fruit de la vie avant tout, et d’un mouvement qui y revient sans cesse. Elles ne rompent par exemple pas avec la modernité car elles peuvent être un regard sur les avant-gardes (celles-ci étant elles-mêmes un regard sur la vie). Bien sûr, on peut évoquer le mail art, car c’est par ce biais que Luc Fierens, Thierry Tillier, Benoît Piret et Ben se sont rencontrés et qu’ils ont entamé leurs collaborations prolifiques, mais les pièces présentées ici n’y sont pas totalement réductibles, elles ont des sources multiples. Car le Mail Art a aussi été un vecteur de développement de Fluxus, de l’art conceptuel, etc. Les « Secret Archives » ne sont pas non plus un regard rétrospectif et figé sur une activité passée, et se formulent plutôt comme un moment où de nouveaux rapprochements sont possibles, de nouvelles « situations », ouvrant elles-mêmes sur de nouvelles expériences possibles.
Les « Secret Archives » sont donc une pulsation qui va de l’histoire personnelle à
l’Histoire globale et inversement. Elles défient l’idée qu’une sélection permette de distinguer (dans un moment de grand soulagement dialectique), le « majeur » du « mineur », le « présent » du «passé »… Tout comme l’écrit Walter Benjamin : « Le chroniqueur qui narre les événements, sans distinction entre les grands et les petits, tient compte, ce faisant, de la vérité que voici : de tout ce qui jamais advint rien ne doit être considéré comme perdu pour l’Histoire ». Les publications orchestrées par Thierry Tillier (depuis 1974 jusqu’à ce jour) telles que « Devil-Paradise », « Anatolie au café de l’aube », « Le style des anges »… et ses revues en ligne telles que « Disparition programmée » ou « Les délices de l’enfer » sont autant de tentatives de saisir un présent qui, au moment où on le regarde, n’est déjà plus… « Articuler historiquement le passé, écrit Walter Benjamin, ne signifie pas le connaître « tel qu’il a été effectivement », mais bien plutôt devenir maître d’un souvenir tel qu’il brille à l’instant d’un péril ».
Annabelle Dupret
Citations de Walter Benjamin extraites de « Thèses sur la philosophie de l’histoire », 1940
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